LOI sur l’expropriation (LE) agricole sans indemnisation financière mais compensation durable
Afin de comprendre mon intervention, permettez-moi de vous démontrer que je n’ai pas la science infuse mais mon vécu agricole n’est pas nul et justifie pleinement ce dépôt au sujet de la problématique d’expropriation.
En qualité d’élu de proximité d’une commune de 2077 ha, 10 chalets d’alpage, 500 places d’estivage, 31 ha de terrains agricoles à louer, j’ai été confronté pendant 28 ans à ce monde en pleine mutation et ceci quasi quotidiennement. Ce patrimoine communal présente un enjeu d’un montant annuel de 500’000 CHF de paiements directs à disposition des 10 exploitations agricoles.
Les plus grands défis, parmi d’autres, ont été la gestion et le partage égalitaire du patrimoine communal afin de ne pas mettre en péril une exploitation, pour autant qu’elle respecte les règles.
Participer à 6 reprises aux renouvellements des baux avec des agriculteurs locataires, constitue une expérience de vie incroyable. Ne se privant pas de lancer de longues procédures administratives pour rien !
Il m’a été permis de vivre les discussions des expropriations. La question du prix de terrain agricole est complexe, émotionnelle, irrationnelle, mais irrémédiablement dommageable pour l’agriculteur propriétaire et exploitant.
Exproprier un m2 de terrain agricole n’aura jamais un prix juste !
La motion demandant d’ajouter la possibilité de proposer des échanges ne constitue pas une restriction, contrairement aux propos tenus la semaine passée par notre collègue Denis Dumartheray, mais une alternative que la loi actuelle ne permet pas. Notre territoire n’est pas extensible. Les fermes verticales, augmentant les surfaces de production avec une approche économe en gestion du territoire, de l’énergie, de l’eau, sans pesticide ne font pas encore partie du plan « Wahlen 2030» prévu pour marquer son 90ème anniversaire.
En 2021, les chambres fédérales ont modifié les tarifs des expropriations. Le tribunal fédéral a rendu nombre de jurisprudences confirmant que le prix d’achat d’un terrain agricole ne constitue pas le juste prix du dédommagement.
En Suisse, les paiements directs 2022 se sont élevés à 2’050 CHF par ha en moyenne. Si l’agriculteur suit le programme d’écologie, ce montant d’aide peut être doublé ou triplé. Si la révolte agricole est moins forte chez nous qu’en Europe, c’est bien parce que les agriculteurs, grâce aux impulsions idéologiques vertes – roses et le soutien du lobby des milieux agricoles, bénéficient d’une aide 3 fois plus élevée qu’en Europe. D’ailleurs la Confédération est sermonnée par l’OCDE afin d’abaisser ce 1% du PIB accordé pour les paiements directs et programmes écologiques.
Nous savons tous que de priver le propriétaire de son outil de travail est une hérésie. L’agriculteur a compris que de vendre une fois sa parcelle, le privera de toutes aides offertes à l’avenir. Les paiements directs sont calculés à la surface. L’augmentation du prix de l’indemnité ne sera-t-elle pas contre bénéfique car il devra acheter ou louer du terrain à un propriétaire non-agriculteur et non exploitant, avec un prix supérieur à son propre terrain ou un fermage revu à la hausse. Quelle erreur stratégique et quelle injustice pour les agriculteurs propriétaires et exploitants.
Les aspects juridiques, autant l’augmentation des tarifs que la compensation de surfaces, nécessitent une réflexion plus pointue que la citation de Paul Valéry qui prétendait que “Tout ce qui est simple est faux, mais tout ce qui ne l’est pas est inutilisable.”
La proposition présentée ne rend pas inutilisable le principe de sauvegarde des terres que l’agriculteur possède en bénéficiant d’un terrain en mains publiques ; même si certes il est loué par la collectivité à un autre agriculteur non-propriétaire et non impacté par l’expropriation pour la collectivité.
Merci de votre attention. 21.2.24 lhr
Texte de la motion
La volonté de respecter la feuille de route du Conseil d’Etat en matière de pistes cyclables provoque des discussions récurrentes au sujet de l’expropriation des terres agricoles.
Plusieurs dépôts au sujet des montants des indemnités en cas d’expropriation et de leurs défiscalisations, font croire que le problème de l’expropriation se résume uniquement à son aspect financier ce qui est bien réducteur.
Ces expropriations sont des mesures à très court terme pour l’agriculteur. Il est surprenant que ces expropriés ne défendent pas plus vertement la défense de leurs terres pour nourrir la population en sachant que c’est une suppression irrémédiable de subventions qui ne seront jamais indemnisées.
Permettez-moi de trouver regrettable que d’autres pistes ne soient pas étudiées afin de garantir aux expropriés, des terrains agricoles plutôt que des francs.
Il serait plus logique de garantir aux agriculteurs une terre leur permettant de poursuivre leurs tâches dans la durabilité au lieu d’une suppression irrémédiable de leurs terres.
Les communes sont propriétaires de terres agricoles. Ne devrait-on pas offrir la priorité à la compensation de la surface expropriée, même si elle est minime, au propriétaire agricole exproprié ?
Quelques esprits chagrins argumenteront que la commune va retirer des terres aux autres agriculteurs et que cela ne résout pas le problème. Rien n’empêche à la commune d’établir des règles de répartitions de ses biens en fonction des caractéristiques des exploitations agricoles comme et parmi d’autres :
- proportion de la part en propriété et en location de l’exploitation agricole,
- avenir de l’exploitation agricole (descendance), etc.
Dans le but de préserver les intérêts de l’agriculteur dans la pérennité de son exploitation et de son outil de travail, il serait nécessaire de modifier la loi sur l’expropriation en offrant une alternative à son article 1 trop restrictif dans son alinéa 2 :
2L’expropriation ne peut avoir lieu que moyennant pleine indemnité, en cas d’intérêt public préalablement et légalement constaté.
En conclusion, la motion demande d’ajouter, dans l’alinéa la notion de compensation par des surfaces agricoles en mains publiques.